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mardi 17 février 2015

L'horloge et le temps


Tic-tac.

Les secondes résonnent dans les couloirs de pierre. Si chacune pouvait raconter son histoire, il y aurait de quoi remplir des kilomètres d'étagères.
Mais les pierres sont muettes. Pas comme l'horloge.

Tic  -  tac.

Mais elle ne sait dire que ça l'horloge. Tic-tac. Universel métronome, elle compte le temps, compte et contemple.
Mais la maison s'est vidée. Nul être ne l'accompagne désormais plus dans son métrage infini d'une chronologie de la fuite en avant.
Le temps passe, mais le sien arrive à son terme.
Bientôt son ressort sera détendu et son sort scellé.

Tic    -    tac.

Déjà ses soupirs s'espacent. Peut-elle se remémorer les nombreuses mains qui l'on remontée ? Se rappeler des doigts qui, doucement, délicatement, caressaient ses aiguilles pour les redresser sur le cadran ?
Est-ce un effet du soleil cette ombre qui s'étire vers son mécanisme ? Un nuage dans le ciel, ou un fantôme surgit du passé, d'un tic-tac révolu ?
Et le bois peut-il frémir, trembler dans l'immobilisme du temps ? L'essence noble d'un arbre qui autrefois portait des fruits possède-t-elle une âme ?

Tic      -      tac.

De son œil unique, elle fixe la fenêtre, l'horloge. Elle a vu tant de saisons, de pluies, de nuages, de grêles et de neiges. Le tic-tac de la planète dans laquelle, il y a bien longtemps, des racines puisaient l'énergie de sa vie végétale.
Son énergie est désormais mécanique, mais sans être vivant qui l'actionne et qui la regarde, plus de vie, plus de mouvement. Plus de sens. Seul le temps n'a besoin de personne, ni de rien. Même pas d'être mesuré.
Elle s'essouffle, elle n'en a plus longtemps. Déjà, la poussière ternit sa patine, donnée par d'innombrables caresses sur le grain léger de sa peau vernie.

Tic        -        tac

C'était bien un nuage. Dehors la pluie commence à tomber. Une rafale de vent finit par avoir raison de la fenêtre qui s'ouvre en claquant. La pluie s'engouffre mais ne parvient pas à atteindre l'horloge. Mais une unique goutte, portée par la grâce de la légèreté, profite de son cousin le vent. Elle est portée par des mains invisibles. Doucement, elle est déposée sur le bas du cadrant. Lentement, elle coule.

Tic     -

L'horloge vit ses dernières secondes. Et c'est en pleurant que son souffle s'arrête.

2 commentaires:

  1. La mort du temps... Très jolie personnification de l'horloge... j'aime.

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    1. Ca le faisait moins avec une montre gousset... Merci Cat !

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