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mardi 17 février 2015

Comosgonie (contes et légendes de la Nation Dragon)

Il était une fois un point.
C'était un point sans prétention, et sans autre but ni raison que d'être.
Toutefois, à l'intérieur de ce point, il était deux forces.
L'une, qui s'appelait Entropie, se satisfaisait de ne rien entreprendre, et employait son énergie à faire que tout ce qui existait, c'est-à-dire le point, continue de n'être qu'un point.
L'autre, dont le nom était Expansion, ne voyait pas les choses du même oeil. Elle savait au fond d'elle-même que d'autres possibilités existaient, et que le point n'était pas une fin en soi, mais un départ.
Aussi, alla-t-elle voir sa sœur Entropie et l'entretint de son envie.
Mais Entropie était têtue, et ne voulut rien savoir.
Elle argua du fait que tout ce qui n'était pas le point n'était pas, et qu'il était par conséquent insensé d'aller voir ce qu'il y avait ailleurs, puisqu'il n'y avait rien.
Frustrée, Expansion tenta de la contrer en lui tenant un raisonnement savamment mûri depuis fort longtemps.
Puisque le point était tout, il n'appartenait qu'aux deux sœurs, Entropie et Expansion de s'unir dans un unique effort pour que le point devienne Energie. Ainsi, elles seraient non plus deux mais trois sœurs, et ensemble elles seraient ainsi capables de créer des choses magnifiques dans le néant qui attendait patiemment qu'on vienne s'occuper  de lui.
Elles pourraient abolir les frontières du point, et donner à Infini, leur géniteur, toute la place dont il avait besoin pour exister, et par là-même retrouver leur mère, Eternité.
Toujours aussi bornée, Entropie resta catégorique, et fit la sourde oreille, continuant à contempler béatement la désolante monotonie de l'immobilisme.
Devant l'obstination de sa sœur, Expansion se retira, et médita encore sur la meilleure manière de convaincre Entropie.
Mais, Expansion était d'une nature vive, et les énergies qui coulaient en elle, ne trouvant aucun exutoire, commençaient à mettre sa patience à rude épreuve.
Vibrante d'émotions difficilement contenues, elle revint une nouvelle fois à la charge.
Cette fois la conversation dégénéra en dispute, et les deux sœurs en vinrent à se confronter. Expansion, dont la puissance n'avait pas de raison d'être, laissa libre cours à sa colère, et pour la première fois de son existence laissa les énergies qui bouillonnaient en son fort intérieur se répandre hors de son corps.
Entropie, dont la majeure partie de la puissance était occupée à contrôler l'intégrité du point et à réguler ses courants de force afin de les réduire le plus possible, encaissa la rage et la frustration de sa sœur de plein fouet.
Surprise, elle recula et perdit le contrôle.
Toutes les énergies du point, se retrouvant sans joug, s'unirent à celles d'Expansion, et soudain le point ne fut plus assez grand pour les contenir toutes.
Il explosa.
Le néant découvrit la lumière, et cela lui plut.
Tant et si bien qu'il décida de la laisser le parcourir sur son intégralité et se répandre partout. C'était une lumière blanche, pure, et qui apportait chaleur et réconfort.
Ce fut ainsi que le néant s'aperçut qu'en réalité, il se sentait bien seul.
Cela ne lui convenait pas. Il se saisit donc de tous les débris du point et les sema partout, dans chaque recoin du vide qui composait son corps sans matière.
Et pour être certain que la lumière ne le quitterait jamais plus, il souffla sur chaque braise de l'explosion originelle pour les entretenir et les maintenir allumées.
Ces brasiers devinrent des soleils, et chacun d'eux s'employa à réchauffer toutes les particules qui n'eurent pas la chance se s'allumer.
Quant aux deux sœurs, Expansion et Entropie, elles ne sont plus revues depuis. La première parcourt le néant, qui se fait désormais appeler l'univers, répandant sa joie et son exubérance partout où elle passe.
Entropie, elle, passe son temps à essayer de retrouver les conditions du début, quand le point n'était qu'un point, et que rien de nouveau ne pouvait exister.
Eternité et Infini se sont retrouvés, et ils partagent ensemble le même chagrin pour Entropie, car ils savent que le bonheur lui est à jamais interdit.
Mais, pour rétablir l'équilibre, ils ont engendré le Tisseur, et l'ont doté d'un magnifique Métier.
Il entremêle les fils des existences et des événements, pour qu'un jour, quand la Tapisserie sera finie, la Famille qui vivait dans le point puisse à nouveau être réunie.

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