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vendredi 20 février 2015

Rêve de Dragon (contes et légendes de la Nation Dragon)

Chez les dragons, on raconte qu'il y a bien longtemps, bien avant l'Unification de la Nation et l'avènement des Mages Noirs, à l'époque lointaine et reculée où les dragons n'avaient pas encore découvert l’entièreté de leur potentiel, l'un d'entre eux fit un rêve.
C'était un rêve fort étrange, en vérité, tant il semblait hors du temps et de la réalité, et en même temps si réel que le rêveur devrait en porter les stigmates pour le restant de ses jours.
Or donc, ce dragon rêva.
Il commença son périple onirique dans une contrée fort étrange, où le soleil était mauve, et l'herbe rouge. D'étranges animaux, aux formes bizarrement biscornues parcourraient ces prairies pourpres. Il en vit un encore plus déformé que les autres. Il tenta de le chasser à la fois pour connaître la saveur qu'avait sa chair, et épancher sa faim qui se faisait pressante. La curiosité du chasseur alliée à la férocité du prédateur.
L'animal, doté de six pattes, d'une tête jugée sur un long cou et couronnée de trois yeux lui conférant une vision panoramique totale, s'avéra être une proie extrêmement difficile.
Onc ne vit dragon avoir tant de mal à obtenir pitance !
Mais, devant l'acharnement qu'il mit à pourchasser sa proie, la rage qu'il déploya, et la volonté inflexible dont il fit montre, il parvint, au terme d'une traque qui dura une éternité, à coincer la bête monstrueuse dans un cul-de-sac.
Le dragon s'apprêtait à procéder à la mise à mort, lorsque, au grand dam de son estomac, l'animal lui fit face et s'adressa à lui en des termes tout à fait compréhensibles.

« Mais qui es-tu donc, abomination, pour venir me menacer sur mes terres, et mettre en danger ma vie ? »

Le dragon ne se démonta pas, malgré l'étonnement qui l'avait subitement envahi. Il décida néanmoins de rester prudent : qui savait quelles autres surprises pouvait réserver cette créature ?

- Je n'ai pas pour habitude de parler avec mes proies. Prouve-moi donc que tu n'en es pas une, et je te laisserai la vie sauve.
- Le son de ma voix n'est-il donc pas suffisant ? Ne prouve t'il pas que mon esprit est doué d'intelligence, la colère qui transpire dans mes paroles ne signifie-t-elle pas que je suis habité par des émotions ?

- L'araignée est-elle intelligente quand elle tisse sa toile ? La biche ne ressent-elle pas la peur quand mes mâchoires se referment sur sa gorge ?

Si cette maligne créature voulait jouer à la rhétorique avec le dragon, elle allait être servie. Elle dû s'en apercevoir, car elle changea de tactique :

- Mais peut-être est-ce toi l'objet de la méprise ? Pour quelle raison ne serait-ce pas à toi de prouver ton intelligence ? Combien en faut-il pour chasser les plus faibles ? L'araignée en a t-elle besoin pour tuer la mouche captive de la toile ?

Maintenant piqué au vif, le dragon allait répondre en se jetant sur son interlocuteur pour le dévorer quand il se ravisa. Cet être devait en effet posséder un esprit puissant pour le mettre dans cet état simplement en lui posant quelques questions.
Le dragon s'assit donc et lui sourit en lui tenant ces propos :

« Tu m'as démontré, par tes paroles habiles, que tu étais digne de ma considération. Je vais par conséquent respecter ma promesse et laisserai ma faim inassouvie jusqu'à ce qu'une autre occasion se présente. »

Une fois de plus, l'étrange créature le surprit en adoptant la même attitude et en lui répondant sur le même ton amical :

« Il en va de même pour toi. Je te propose donc la chose suivante : quand ton esprit reviendra vagabonder en songe dans ma sphère, reviens donc me rendre visite, et bâtissons une relation qui pourra nous divertir et égayer nos solitudes. »

Le dragon allait lui rétorquer que tout cela n'était qu'un rêve, mais il n'en eut pas le temps, car ce dernier se termina, et le dragon se réveilla. Les jours passèrent, et le dragon, dont le sommeil était rare, oublia lentement cette étrange rencontre. Puis vint le jour, où, à nouveau, il eut besoin de repos.
Le souvenir de l'être à l'intelligence aiguisée refit surface au moment où ses paupières se fermaient, et quelques instants plus tard, le dragon se retrouvait baigné d'une lumière mauve. Il ne sut trop comment, mais il se retrouva face à la tête difforme dont il se souvenait maintenant parfaitement.

- Bonjour, lui dit-elle.

- Bonjour, je suis heureux de te revoir, mais je m'aperçois que je ne connais même pas ton nom et toi le mien.

- Il est encore trop tôt pour les échanger, mais discutons, veux-tu bien ? Ainsi nous ferons plus amplement connaissance et saurons si nous  méritons, l'un aux yeux de l'autre, d'aller plus avant dans cette relation.

Pendant combien de temps parlèrent-ils ainsi, eux-mêmes ne le savaient pas, mais ils y prirent tous deux grand plaisir. Leurs rencontres se multiplièrent, le dragon allant dormir, même s'il n'en éprouvait pas le besoin. Tandis que la créature apprenaient à apprécier le dragon en découvrant sa personnalité, ce dernier se régalait de découvrir quels sommets pouvaient atteindre son esprit s'il savait comment faire.
Finalement, advint le jour où la créature dit au dragon :

« Je crois que le moment est venu d'échanger ces ultimes secrets que sont nos noms. Ainsi je graverai ton patronyme sur mon corps, et inscrirai le mien dans ton esprit et ta chair. De cette manière, si l'un à besoin de l'autre, nous pourrons toujours nous appeler à travers les dimensions. »

Quand le dragon se réveilla, ce jour-là, il devait découvrir que sur la paume de sa main droite brillait une rune d'un petit éclat mauve. Pensif, il sortit de son antre et se laissa porter par ses pas. En cette ère reculée, déjà, les dragons ne redoutaient qu'un seul prédateur : un autre dragon. Nombre d'entre eux vivaient encore comme leurs ancêtres, sans se poser la moindre question, et ne se souciant que de leur bien-être immédiat. Dévorer un congénère n'était pour eux que l'assurance qu'il y aurait assez de viande pour tenir plus longtemps, c'est tout.
L'attaque fut fulgurante, et il ne la vit pas venir.
Dès le début il se retrouva immobilisé, incapable de se débattre. Il ferma les yeux et attendit la mort.
Ce ne fut pas elle qui vint. Sa main droite irradia une intense lumière mauve. Le poids de son agresseur qu'il sentait peser sur son corps disparut en même temps qu'il perçut des bruits de lutte et ressentit le picotement d'un sort puissant qui se déclenchait. Quand il se redressa, il constata qu'il n'y avait nulle trace de son agresseur. En revanche se tenait devant lui le spectre son étrange ami.

« Merci » lui dit-il plein de reconnaissance. Puis il se retrouva seul.

Longtemps, il s'interrogea sur ce qu'il devait faire de ce nouvel arcane, et de la puissance qu'il conférait. Il fut tenté de le conserver pour lui, et d'ainsi bâtir un empire. Puis il s'avisa qu'il y avait différents empires, et qu'il y avait maintes façon de les bâtir. Il ramassa ses maigres affaires, et se mit en quête d'un village de dragons. Il avait entendu parler de ces villages par des dragons de passage, et savait qu'il s'agissait de rassemblement de ses semblables, qui avaient décidé de vivre ensemble, de mettre leurs ressources en commun pour se nourrir et se protéger.
Après un interminable voyage, il finit, épuisé, par en trouver un. Il ne devait guère être menaçant, et vu l'état dans lequel il était après sa longue quête, il devait même faire pitié, car on le laissa rentrer dans le village sans encombre. Mais il sentait les regards, entre défiance et dégoût, qui pesaient sur lui.
Dans ce qui devait être le centre de ce village, une place pavée, une fontaine trônait comme une promesse d'avenir. Il s'y installa. Intrigués, les dragons qui passaient par là s'arrêtaient pour observer cet étrange mendiant qui restait là sans bouger. Quand il estima que suffisamment de badauds s'étaient arrêtés, il commença sa première leçon.

« Bonjour. Mon nom est Prométhée, et je suis venu vous parler de mon ami Gilgamesh et du chemin qu'il faut emprunter pour le rencontrer, chez lui, en se rendant dans sa sphère... »

Depuis ce temps là, les dragons ont découvert plusieurs sphères, certaines furent interdites, d'autres sont difficiles d'accès. Mais aucun dragon n'est jamais retourné dans une sphère où brillait un soleil mauve.

Mais la légende veut que Prométhée et Gilgamesh en gardent l'accès jusqu'au moment où un dragon sera digne d'y retourner.

2 commentaires:

  1. Et bien oui... Je confirme... Cet extrait me donne le lait aux babines... Miaouuu

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  2. Et bien oui... Je confirme... Cet extrait me donne le lait aux babines... Miaouuu

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